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Michel Gurfinkiel.
Le suspense aura duré près d’une semaine. Le 18 juin, Al Jazeera annonce que Mohamed Morsi, le candidat islamiste, est élu président de la République égyptienne, avec 900 000 voix d’avance sur son rival laïque, le général Ahmed Shafik. Une nouvelle immédiatement reprise dans le monde entier, mais qui, en Egypte même, suscite un certain étonnement : le dépouillement des voix n’est pas encore achevé, et les résultats définitifs ne doivent être annoncés que trois jours plus tard, le 21.
Les islamistes exercent-ils en fait un chantage sur le Conseil supérieur des Forces armées (CSFA), le directoire militaire qui contrôle le pays ? C’est l’hypothèse qu’avance un analyste américain, Raymond Ibrahim : « Dès lors que la victoire de Morsi était annoncée, elle passait pour avérée. Et une éventuelle victoire de Shafik était disqualifiée d’avance. » Sur la place Tahrir, haut lieu de la révolution de 2011, la foule se masse à nouveau en scandant : « Morsi président, Allah est le plus grand ! » De nombreux pays étrangers croient bon de recommander au CSFA de « respecter le choix des électeurs ». A commencer par les Etats-Unis.
Le CSFA a commis l’erreur de commettre les jours précédents plusieurs « coups d’Etat légaux ». En faisant dissoudre par le Tribunal constitutionnel le parlement dominé par les islamistes, élu six mois plus tôt. Et en se réservant, à travers des « décrets constitutionnels », de nombreuses « compétences législatives ». Il lui est difficile, désormais, de s’opposer à Morsi. Pourtant, une victoire laïque n’aurait rien d’invraisemblable : entre les législatives et la présidentielle, les intentions de vote islamistes n’ont cessé de décroître.
Le 21, la commission électorale argue d’ultimes « vérifications » pour reporter de trois jours la proclamation des résultats. Finalement, le 24, Morsi est officiellement proclamé président élu. Agé de soixante ans, originaire de Basse-Egypte, cet ingénieur a été professeur assistant dans une université californienne : ses enfants, né sur le sol américain, disposent de ce fait de la double nationalité, égyptienne et américaine. On lui attribue des opinions antichrétiennes virulentes : il aurait affirmé que les coptes égyptiens devaient choisir entre la conversion, l’exil ou le paiement de la jiziya, l’impôt spécial frappant les infdidèles…
C’est un peu par hasard qu’il se trouve aujourd’hui à la tête du plus peuplé des pays arabes. Le Parti de la liberté et de la justice, émanation des Frères musulmans, avait d’abord investi Khairat al-Shater, un membre éminent de la confrérie. Mais cette candidature a été invalidée par la Commission électorale. Morsi se trouvait dès lors en première ligne.
© Michel Gurfinkiel & Valeurs Actuelles, 2012